Presse : Peut-on encore manager sans IA générative?

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MANAGEMENT / Par Cécile Dejoux

L'IA générative révolutionne le management, mais elle pose aussi des défis aux managers, entre augmentation de la productivité et préservation du rapport humain.

Quand on demande aux managers ce qui les préoccupe le plus en ce moment, pensez-vous que ce soit l’intelligence artificielle ? Eh bien non ! Pour 74% d’entre eux, c’est le bien-être au travail. Seulement 12% évoquent le numérique et l’IA, 10% le travail hybride et 4% l’écologie. Ce sondage réalisé sur LinkedIn avec 616 votes est confirmé par une analyse qualitative menée au sein de l’Observatoire des transformations managériales et RH, le Learning Lab Human Change du Cnam, en partenariat avec Cornerstone et Julhiet Sterwen.

Pour autant, les dernières annonces d’OpenAI sur ChatGPT évoquent des opportunités incroyables pour les managers. Une gestion des tâches améliorée, une meilleure productivité au niveau individuel et de l’équipe et un gain de temps considérable sur des compétences spécifiques comme l’analyse de données ou la création de contenu et de livrables. Force est de constater que nous sommes au début de la phase d’acculturation managériale à l’IA générative. Nombreuses sont les entreprises qui sont en train de réfléchir à leur stratégie IA, et à la façon dont elles vont permettre, ou non, d’utiliser l’IA générative.

Et elles ont raison, car nous pouvons prédire avec confiance que l’IA générative jouera un rôle important dans les stratégies numériques des entreprises les plus performantes. Au regard de son importance, de multiples questions se posent.

Qui au sein de mon entreprise doit utiliser l’IA générative, et sous quelle forme ? Un modèle autonome fermé, des cas d’usage ciblés par métier, au sein des services RH ou dans des lab d’innovation ? Tout reste à définir.

Adoption de l'IA par les managers : 5 niveaux de maturité

Une menace d’addiction ? Face à l’euphorie autour de ce sujet, faire prendre conscience des opportunités et des dangers de l’IA auprès des managers semble indispensable, quelle que soit la taille de l’entreprise ou son secteur d’activité. Mais parallèlement, il faut leur faire prendre conscience que leur bien-être au travail sera impacté : l’IA sera à la fois un miroir, difficile à supporter, une possible addiction et une potentielle menace qui peut leur faire perdre le sens de leur travail.

Nos recherches ont révélé qu’il y a cinq niveaux de maturité dans l’adoption de l’IA par le manager.

Le 1er niveau est celui de l’augmentation de la productivité : « Quand l’IA générative peut être comparée à un(e) stagiaire bien formé(e) ».

L’IA générative peut faire gagner du temps sur des tâches faciles à automatisées et répétitives (écriture d’e-mails, préparation de présentations PowerPoint, etc.) pour que l’humain se concentre sur d’autres actions, à plus forte valeur ajoutée. Par exemple, en synthétisant, en générant des images ou en agrégeant des idées facilitant le tri de l’information et l’identification des mots importants.

Des outils comme FIREFLIES.AI sont capables de rédiger des résumés détaillés de réunions à distance, tandis que BEAUTIFUL.AI peut transformer un texte brut en diapositives de présentation attrayantes. Enfin, les outils d’assistance multifonctions comme les extensions aux noms amusants (MERLIN) permettent de rédiger des emails, de résumer des vidéos et d’améliorer notre rédaction. L’IA générative peut toutefois rétrécir la pensée et faire prendre des raccourcis. Le risque est que les collaborateurs se jettent sur l’IA pour toutes les tâches, sans réfléchir au préalable.

Le 2e niveau d’adoption est celui de la génération de contenu : « Quand l’IA générative peut être comparée à un freelance expert ».

L’IA générative génère du contenu à partir de données anciennes et peut récupérer de l’information sur Internet, comme le font déjà Bing Chat et le plugin WebPilot disponible pour les utilisateurs de ChatGPT 4 (payant). C’est certes foisonnant, et donc séduisant, mais la créativité pure est uniquement du ressort de l’humain. Toutefois, il faut reconnaître que l’IA peut nous permettre de revisiter et de remodeler nos systèmes de prise de décisions ou, grâce à des prompts adaptés et en lui conférant des rôles parfois opposés, nous défier, nous faire réfléchir et en définitive, nous ouvrir de nouveaux horizons.

En somme, l’IA générative est un véritable accompagnant ou « freelancer » qui nous soulage autant qu’il nous aide à innover. De façon plus ciblée, elle pourra même créer des quizz avec des outils comme QxBot ou Questgen. Ou encore réduire les coûts liés à la création d’une formation en ligne. Grâce à l’IA générative, on crée des formations en ligne en commençant par le scénario, le script, puis la vidéo, la communication de la vidéo et sa diffusion. Dans le domaine des médias, on assiste, par exemple, à l'émergence de « présentateurs synthétiques » ou de « speakerines artificielles ». Ces avatars, déjà utilisés en Inde, illustrent bien la capacité de l'IA générative à non seulement simplifier les tâches, mais aussi à transformer la manière dont nous consommons l'information.

Le 3e niveau est celui de l’individualisation et de la relation personnalisée : « Quand l’IA générative peut être comparée à un(e) secrétaire dévoué(e) ».

L' IA générative révolutionne l’individualisation et la personnalisation du contenu dans divers domaines, de la médecine à la gestion quotidienne des tâches, avec la création de contenus sur mesure, répondant spécifiquement aux besoins et aux préférences de chacun. Dans le secteur de la santé, comme l'a souligné Bill Gates, l'IA générative joue déjà un rôle clé dans l'analyse des données médicales et la conception de médicaments. Cependant, son potentiel va bien au-delà : la prochaine vague d'outils d'IA promet de révolutionner la médecine personnalisée. Ils pourraient, par exemple, prédire les effets secondaires des médicaments pour chaque patient et calculer des dosages précis adaptés à chaque individu.

Au bureau, des outils comme NOTION.AI ou COPILOT peuvent résumer les événements d'une journée de travail et générer une liste d'actions prioritaires. Ensuite, grâce à l’outil d’automatisation ZAPIER, il est possible de créer des ponts entre des outils de gestion de projet comme Trello et des chatbots comme ChatGPT, facilitant ainsi la création de nouveaux contenus à partir des tâches du jour.

Le 4e niveau est celui de l’automatisation : « Quand l’IA générative peut être comparée un processus certifiable ».

L'IA générative offre l’opportunité d’automatiser et d’intégrer des processus complexes. En combinant divers outils, qu'il s'agisse d'extensions, de plugins ou d'autres technologies, l'IA générative facilite la communication et la coordination entre différentes tâches, permettant ainsi leur exécution automatique et séquentielle. Au lieu de passer des heures à se former, on obtient un technicien tech qui maîtrise plusieurs logiciels et qui connecte nos applications. Par exemple, l'IA générative peut gérer de manière autonome un processus de formation, orchestrer une campagne de communication, ou encore répondre de manière efficace et pertinente à des candidatures.

Notre technicien intégré est tellement bon qu’il peut nous aider à créer des solutions interactives et réactives qui améliorent l’expérience client et collaborateur. Par exemple, l’outil ALGOMO permet de créer des chatbots personnalisés et ChatGPT 4 peut générer des morceaux de code à intégrer sur son site web. La possibilité de produire ses propres outils sans nécessiter de compétences informatiques poussées représente une vraie opportunité d’upskilling et de reskilling, tant pour les employés au sein d’une entreprise que pour des indépendants.

Le 5e niveau est celui de l’augmentation des potentialités du manager : « Quand l’IA générative est comparée à « un assistant personne »l, un double virtuel qui pense, ou non, comme moi… »

Avec GPT Builder, OpenAI offre la possibilité à chacun d’entre nous, de créer son propre chatbot avec ses propres données, son propre système de valeurs et d’adapter le ton, le style et le rendu final.. Imaginez que vous fournissiez vos comptes-rendus, les évaluations de vos collaborateurs, les derniers rapports, vos notes informelles, etc, et que ce chatbot soit votre 2e cerveau, celui qui n’a que vos informations professionnelles personnelles, et qui est paramétré pour reproduire votre façon de penser. Ce chatbot a pour objectif de vous « augmenter ». Il devient un double qui comprend votre savoir-être et votre savoir-faire. C’est également une extension de votre propre base de connaissances et de vos données, décuplant ainsi vos capacités cognitives.

Manager avec l’IA, c’est adopter un « mode startup » : partir d’une page blanche, identifier un point irritant, créer une équipe de volontaire, vendre son pitch, développer un écosystème afin de maintenir un rythme et se faire challenger, agir en frugalité et en test & learn. Cet état d’esprit est nécessaire car l’IA générative oblige à repenser son métier en laissant de nombreuses tâches à la machine et en redéfinissant la part de la valeur ajoutée qui ne peut être créée que par l’homme.

La question qui se pose aujourd’hui aux managers n’est pas de savoir s’ils doivent s’intéresser à l’IA générative et se transformer avec elle. Mais plutôt : est-ce qu’ils peuvent manager sans IA ?

Savoir manager sans IA reste indispensable, c’est même un basique. Pourquoi ? Les meilleures informations sont celles que l'on obtient avant les autres et souvent c'est grâce aux collaborateurs qui sont sur le terrain ou à notre réseau professionnel et personnel. Même si l'IA peut prévoir ou prédire, son fonctionnement repose sur la probabilité et ne peut se substituer au "bon tuyau" que le manager saura exploiter.

En outre, dans certains secteurs ou métiers, l’IA n’est pas aussi pertinente et n’apporte pas autant de valeur que l'intuition et l'expérience managériale. C’est pourquoi, il ne faut pas tomber dans le tout IA et savoir se prémunir de l'addiction aux nouvelles technologies. C’est le cas des métiers où le rapport humain est primordial (un manager qui gère une équipe d’aides-soignants ou un psychologue, par exemple). Il faut toutefois se préparer et faire évoluer ses compétences. Dans un monde où l’IA devient un sujet d’entreprise courant, le manager devient un mentor, un superviseur et un vérificateur des informations obtenues par les technologies numériques.

La transformation numérique va bien au-delà de l’IA générative

On peut déjà gagner en productivité en automatisant ses tâches sans IA et en recourant à des outils no-code ou low-code (Zapier, Make, n8n). Le manager doit également saisir l’opportunité de l’arrivée de l’IA générative pour faire évoluer son mode de management et se poser les bonnes questions. En termes de self care, tout d’abord : comment repenser ma productivité au travail en gérant mieux mon stress et en utilisant l’IA générative ? Qu’est-ce que je peux automatiser pour gagner du temps ? Ai-je bien bloqué dans mon agenda des plages horaires hebdomadaires pour me former à l’IA générative et me focaliser sur des actions ou des activités qui favorisent des temps sans numérique et de rapprochement avec mes collaborateurs.

En termes de team care, ensuite : l’IA générative peut aider le manager à mieux anticiper les besoins de recrutements ou l’absentéisme en élaborant des scénarios à partir de jeux de données de l’entreprise. Cette solution agrège différentes données comme les salaires, la formation initiale des salariés ou le bilan des entretiens.

Le manager devra aussi se demander pourquoi y-a-t-il cet absentéisme et comment l’éviter. Il pourrait recourir à l’intelligence artificielle pour générer des actions de reconnaissance, évaluer les meilleures récompenses en analysant les questionnaires envoyés aux employés et identifier les causes de l’absentéisme. En ce sens, l’IA permet de capitaliser sur les données disponibles et de mieux appréhender la santé et le bien-être des collaborateurs au sein de l’entreprise et à l’ère du phygital.

A l’inverse, le manager qui utilisera peut-être trop l’IA pourra perdre pied et ne plus savoir manager sans IA. Le principal défi pour les managers, au cours des prochaines années, ne sera pas seulement de se former à l’IA générative mais aussi de trouver l’équilibre indispensable entre l’utilisation de l’IA et la volonté de préserver des temps sans numérique pour se concentrer, réfléchir, développer des relations humaines de proximité avec chacun des membres de l’équipe.

Plus un manager utilisera l'IA, plus il devra promouvoir un management sans IA, en investissant dans le « CARE » (self, team, planet) pour rendre son travail et celui de ses équipes positif, en diminuant le stress et en donnant à chacun une vue globale de sa contribution à l'entreprise et à la société. Il n’y aura pas d’acceptation managériale de l’IA générative sans une prise de conscience de son intégration dans un management par le CARE.

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